jeudi 26 novembre 2009

Vie au travail - Prévenir le stress



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Thème : Management - Santé
Gazette n°2006 - 23/11/2009 - 64




Vie au travail - Prévenir le stress

- Les signalements de troubles liés au stress augmenteraient dans les collectivités. - Perçus comme des salariés protégés, les territoriaux dissimulent le plus souvent leurs difficultés.
L'affaire France Télécom a placé la problématique du stress au travail sous les feux de l'actualité. Et c'est une réalité qui touche largement la société. Dans le baromètre 2009 Ipsos-Accor services sur le bien-être et la motivation des salariés français (*), la part des personnes interrogées évoquant le stress et le mal-être au travail comme source de démotivation atteint 14 %, contre 9 % un an plus tôt. Un constat partagé sur le terrain. « Le médecin de prévention signale de plus en plus de tensions liées au travail », assure René Habouzit, directeur général adjoint (DGA) chargé des ressources humaines des services mutualisés de la ville et de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay (Haute-Loire).
Dans les collectivités territoriales, les sources de stress ne manquent pas, comme « l'introduction de nouvelles formes de management liées à la performance, à l'atteinte d'objectifs et à l'efficience, couplées à une baisse des effectifs et des moyens », analyse Nathalie Evrard-Steinberg, directrice générale de Mercuri Urval développement (lire l'avis d'expert).

Gestion de l'imprévu.
Citons également l'inadéquation entre les objectifs fixés et les aptitudes de la personne, entre les valeurs défendues et les moyens octroyés, les divergences entre les exigences de la population, celles des élus et les actions des fonctionnaires, les contacts parfois tendus, voire violents, avec les usagers ou, tout simplement, la surcharge de travail pour faire face aux pics d'activité. « Dans les collectivités territoriales, les agents sont aussi souvent confrontés à la gestion de l'imprévu. La société est en mutation perpétuelle et l'accélération des moyens d'information précipite les rythmes de travail », note Patrice Girot, directeur général des services (DGS) de la communauté d'agglomération de la vallée de Montmorency (Val-d'Oise).
Selon Claire Edey Gamassou, maître de conférences en sciences de gestion à l'université Paris 12, à ces contraintes s'ajoute l'imagerie populaire associée au statut des fonctionnaires : « Ils sont perçus comme une catégorie à part des travailleurs, car ils sont au service du public et bénéficient de la sécurité de l'emploi. Ils ne sont donc pas jugés légitimes. Ainsi, ils culpabilisent de se plaindre et ont donc du mal à exprimer leur stress », explique-t-elle. DGS de Marmande (Lot-et-Garonne), Jean-Marie Marco en a la conviction : tout agent est confronté à des situations susceptibles de générer des tensions. « Pour que ces contraintes se transforment en situation de souffrance, il faut un facteur déclencheur qui est la solitude, l'incompréhension, le sentiment d'être seul ou incompris. C'est là que le DGS et le management intermédiaire ont un rôle à jouer d'écoute et d'animation d'équipe. Car si l'ensemble de l'équipe partage ces contraintes, elles ne resteront que des contraintes à gérer et n'engendreront pas de maladie », estime-t-il.

Jouer collectif.
Assurés par l'encadrement intermédiaire au quotidien, les échanges peuvent aussi être davantage formalisés. Au Puy-en-Velay, par exemple, des groupes de travail mensuels ont été instaurés autour d'un psychologue pour inciter le personnel des crèches à discuter de leurs pratiques, des éventuelles difficultés dans leurs relations avec les enfants et les parents. Ce rôle du collectif comme moyen de décompresser, voire comme rempart au stress, semble d'ailleurs primordial. « L'une des premières réflexions à mener est de se demander ce qui, dans les changements intervenus, a conduit à rompre le collectif. Est-ce que ce sont les changements de bureau, d'organisation ou les modifications des temps de pause qui font que les gens se rencontrent moins et ont moins de temps pour échanger ? » s'interroge Claire Edey Gamassou.
Résoudre un mal-être au travail par une réorganisation, c'est une solution envisagée à Marmande. « Nous y réfléchissons pour notre service d'animation, qui connaît une charge de travail plus lourde à certaines périodes de l'année ou de la journée, où les autres agents sont en vacances ou en repos, par exemple l'été ou les jours de fête. Nous pensons réduire le nombre de permanents de cette équipe et faire appel à des vacataires pour la renforcer lors des pics d'activité, afin de ne pas toujours solliciter les mêmes personnes », indique Jean-Marie Marco.La prévention du stress passe en tout cas par la proximité. DGS de la ville de Cluses (Haute-Savoie), Christophe Lefort recommande, par exemple, à ses agents de faire part de leurs difficultés lors d'une surcharge de travail : « On peut en discuter ensemble et fixer des priorités, un nouveau plan de charge. » Pour Patrice Girot, la direction de la collectivité joue un rôle essentiel. « Il faut être capable de détecter les facteurs alertant, comme l'absentéisme, les changements de comportement, et réagir », ajoute-t-il. Mais la prévention passe aussi par la formation : celles concernant les agents d'accueil, préparés à faire face aux usagers « difficiles » tout en restant professionnels, se multiplient. Au Puy-en-Velay, des formations à la gestion du stress sont proposées au personnel des établissements accueillant des personnes âgées. « Ce type de stage regroupe chaque année une vingtaine d'agents et accueille également des travailleurs sociaux et des éducateurs », précise René Habouzit.

Facteurs multiples.
Selon Elie Maroglou, président du Réseau des préventeurs et ergonomes des collectivités territoriales (Respect), qui a organisé en octobre un congrès sur les risques psychosociaux, ces derniers doivent être démystifiés. « Le problème du stress au travail n'est jamais lié à un seul facteur. Il nécessite donc une approche qui passe par une équipe pluridisciplinaire : un assistant social pour prendre en charge les questions personnelles et familiales ; un ergonome qui entre dans le travail réel ; un médecin de prévention pour évaluer l'évolution de l'état de la personne dans le temps, et un psychologue », préconise-t-il.











« Reformuler les objectifs »
« Pour éviter un stress, souvent difficile à gérer, lié à une trop grande discordance entre les trois pôles que représentent les besoins de la population, les orientations politiques des élus et leur mise en œuvre par les agents, il peut être utile de reformuler les attentes des élus, afin de les rendre plus explicites et ne pas partir bille en tête dans une mauvaise direction. De même, lorsque l'initiative vient des cadres, il est souhaitable qu'ils réécrivent leurs propositions dans le langage de l'élu et anticipent les effets pervers ou induits. »
















AVIS D'EXPERT - Nathalie Evrard-Steinberg, directrice générale de Mercuri Urval développement - « Intervenir au niveau de l'équipe »
« Les conseils du pôle public de notre cabinet reposent sur la mise en œuvre de clubs de managers [partage d'expériences] et l'accompagnement mettant l'accent sur l'équipe, car le travail en groupe constitue une réponse aux difficultés nouvelles des collectivités territoriales. Nous aidons ainsi les collaborateurs à se fixer un objectif mesurable à partir duquel celles-ci travaillent pour introduire les changements dans leur fonctionnement. Etre capable d'évaluer où l'on en est et le chemin qu'il reste à parcourir diminue le stress. Nous intervenons aussi sur la notion de reconnaissance ou, en cas d'échec, sur les moyens de compenser ou de faire mieux la fois prochaine, sans dramatiser. Nous associons une approche individuelle, qui permet à la personne de prendre conscience de son rôle dans l'équipe. Trouver sa place et connaître les raisons de ses choix libère du stress. »
















LES POINTS CLÉS
- Etablir des priorités Face à un surcroît d'activité, accepter de ne pas pouvoir mener de front toutes les tâches, mais hiérarchiser avec son supérieur les priorités.- Prendre du recul Faire la distinction entre ce que l'on fait (savoir reconnaître ses points forts) et qui l'on est. Relativiser les événements sans se laisser envahir par les émotions.- Echanger Se confier à un proche, au médecin du travail ou à un professionnel à l'extérieur de la collectivité.
















L'offre de formation s'étoffe
Depuis 2008, le pôle de compétences « hygiène, sécurité et santé au travail » du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) a notamment été chargé de mener des études sur les risques psychosociaux. Le CNFPT ne cesse d'ailleurs d'étoffer son offre de formation sur cette problématique : 66 stages figuraient ainsi à son catalogue 2009. « Trois axes sont concernés : proposer aux agents des outils pour gérer leur stress ou verbaliser leur souffrance ; aider les décideurs à structurer une politique de prévention de ces risques particuliers ; outiller les managers et encadrants dans la gestion opérationnelle de situations de malaise au sein de leurs équipes », détaillait François Deluga, président du CNFPT, le 7 octobre, à l'occasion du congrès organisé sur les risques psychosociaux par le Réseau des préventeurs et ergonomes des collectivités territoriales (Respect)