samedi 27 février 2010

Bois énergide Gazette des communes

Bois énergie Une dynamique qui reste encore fragile


L'équilibre des projets passe par l'octroi de subventions. Dans certaines régions, l'approvisionnement reste le maillon faible.

Si un réseau de chaleur, en création ou en extension, n'utilise pas le bois, c'est qu'il recourt à la géothermie. Les projets font massivement appel aux plaquettes forestières et palettes broyées, brûlées aujourd'hui sur un quart du parc. De 2008 à 2015, la quantité de biomasse (bois, essentiellement) valorisée par Dalkia devrait décupler, pour atteindre 4 millions de tonnes (deux tiers employés pour le chauffage urbain, un tiers pour l'industrie). Dès avant le lancement du fonds chaleur (fin 2009), les inaugurations s'enchaînaient dans des collectivités de toute taille.

Variable d'ajustement.

L'an dernier, Rochefort-Montagne (Puy-de-Dôme, 950 hab.) ouvrait un réseau plus étendu que celui prévu initialement. Aux équipements publics surplombant le village se sont greffés une centaine de pavillons, situés en contrebas. Cofely (GDF-Suez) y a investi quelque 3 millions d'euros, subventionnés à 55 %, par l'Ademe, la région, le département et des fonds européens. « La maison de retraite, qui utilisait auparavant du fioul, aurait pu économiser 30 000 euros en 2008, et chaque foyer, de 1 200 à 1 500 euros », jauge le maire, Dominique Jarlier. Du côté des « gros » usagers, la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise (Val-d'Oise, 12 communes, 191 000 hab.) a mis en service, fin 2009, la plus puissante chaufferie au bois de France reliée à un réseau de chaleur (25 mégawatts, 35 000 tonnes par an de bois, soit 22 % du mix énergétique). Dalkia y a investi 17 millions d'euros, soutenus par la région Ile-de-France à hauteur de 5 millions (son record en matière d'énergie).

Les soutiens conditionnent l'équilibre des projets, explique Serge Defaye. « Le montant de l'investissement dans la chaufferie est cinq fois plus élevé que pour le gaz, détaille le président du Comité interprofessionnel du bois énergie [*]. Et l'exploitation est plus onéreuse, car la préparation du produit est complexe et sa combustion exige de fins réglages. Pour qu'un projet soit viable, le combustible doit coûter trois fois moins cher. Les subventions sont la variable d'ajustement. »

L'approvisionnement demeure un souci majeur, poursuit l'expert : la ressource abonde mais est dispersée. Les collectivités ont encouragé la concentration de la matière première ligneuse : de Biocombustible SA, créée en 1996 en Basse-Normandie, à la coopérative Picardie Energie bois, née en 2009, elles ont œuvré à la fédération des forestiers, transformateurs de bois et gestionnaires de déchets. Les groupes privés bâtissent aussi leurs filières.

Proximité de la ressource.

A Epinal (Vosges, lire p. 29), l'appel à projets lancé en 2006 par la ville a été déclencheur. « Au départ, les candidats ne s'engageaient pas sur un approvisionnement local, retrace Benoît Jourdain, premier adjoint. A sa mise en service en 2008, la chaufferie brûlait un combustible de proximité. Dans ce département forestier, la création d'un site de grande capacité [11 000 t/an] a aidé à structurer la filière. » La ressource est collectée dans un rayon d'environ cinquante kilomètres. « Le prix du bois se compose, en gros, d'un tiers du combustible, d'un tiers de main-d'œuvre et d'un tiers de transport : si ce dernier poste dérape, le prix n'est plus compétitif », explique-t-on chez le délégataire.


La coordination des acteurs reste à mener dans nombre de régions. L'association de collectivités et de professionnels Amorce attend du « Grenelle 2 » la création d'un fonds de mobilisation de la ressource. La ville de Grenoble (Isère) envisage d'acquérir des forêts, pour sécuriser son approvisionnement. n

AVIS D'EXPERT - Dominique Plumail, directeur du bureau d'études Ceden - « L'Etat agit de façon dissuasive en Ile-de-France »

« Mi-2009, les services de l'Etat ont durci les règles d'émission des chaufferies bois, dans le cadre du plan de protection de l'atmosphère d'Ile-de-France. Le plafond de rejet de poussières est abaissé à 30 milligrammes par normal mètre cube (contre une norme nationale de 150 mg/Nm3) pour les sites d'une capacité comprise entre 2 et 4 mégawatts, et à 10 mg/Nm3 pour ceux de 4 à 20 MW. Cela met en péril le développement de la première catégorie de chaufferies, soumises à un important saut technologique. Sur le projet d'écoquartier de Nanterre [Hauts-de-Seine], l'installation d'un filtre à manche renchérit de 8 % le coût du kilowattheure. Les pouvoirs publics continuent par ailleurs à encourager le chauffage domestique au bois - dont les émissions sont moins contrôlées - et laissent pratiquer le brûlage à l'air libre, source considérable de poussières (5 000 mg/Nm3).